mardi 21 février 2012

Le Havre - Aki Kaurismäki (CINEMA)

C'est un drôle de film avec un drôle de titre, qui défraie la chronique mais peine encore à attirer le public. Comment vous dire...  Ce pourrait être un roman balzacien, une Scène de la vie de province, un conte, une bande dessinée ? C'est un peu tout ça à la fois, mais surtout une belle histoire.



Le dernier film du finlandais Aki Kaurismäki a été encensé par la critique, sélectionné en 2011 au Festival de Cannes, récompensé par le prix Louis-Delluc 2011, nominé aux Césars du meilleur réalisateur et du meilleur film 2012. Pourtant, 500 000 entrées en 2 mois c'est 40 fois moins qu'Intouchables, autre comédie sociale française qui donne à réfléchir en toute légèreté. On s'interroge donc : pourquoi le public boude-t-il Le Havre ?

Certes Le Havre n'est pas une comédie hilarante, bien que les situations burlesques et les caricatures cinématographiques se succèdent, et ce dès l'ouverture avec le "porteur de malette très suspect et très surveillé" jusqu'à la confrontation clownesque au Directeur du centre de rétention. Disons que l'oeuvre est une surprise. Nous étions une trentaine dans la salle, et je suis sûre que si chacun avait dû étiqueter le film d'un genre précis, nous aurions reçu trente propositions différentes.


Ce pourrait être un roman balzacien, une Scène de la vie de province avec ses personnages typiques et pittoresques, caractérisés et liés aux autres par leur profession : la boulangère, l'épicier, le flic, le cireur de chaussure, le rockeur, la tenancière du bistrot, etc.

Beaucoup ont vu un conte, qui ramène des "faits" marquants de l'actualité politique française dans un décor des années 50, comme pour nous rappeler que ces questions d'accueil des étrangers sont vieilles comme le monde, atemporelles, tout comme les valeurs de solidarité, de partage, d'entraide locale qui s'imposent comme une réponse évidente.

Ce pourrait être la "morale" de cette histoire, dont les personnages vivront heureux en aidant beaucoup d'enfants malgré leurs pauvres moyens, mais c'est aussi un rappel bénéfique : n'oublions pas que c'est le monde de la minorité qui se globalise, s'accélère, se noie dans l'information, crée des tendances et des psychoses collectives, s'inquiète de la "gestion des flux migratoire". La réalité de la majorité reste la lenteur et la simplicité d'un quotidien modeste, ancré dans la vie locale. Où l'on se débrouille comme on peut avec ce qu'on a et avec ceux qui sont là.

La peinture lente, en plans fixes, de l'aventure humaine de Marcel Marx se lit en définitive comme une bande dessinée, par vignettes successives. Les dialogues courts, minimalistes et presques récités sur un ton souvent monocorde, pourraient ainsi être inscrits dans quelques bulles éparses sur ces tableaux colorés.


Un film atypique donc, mais surtout poétique, à voir à l'Actor's Studio, tous les jours à 18h45.

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