… a fait un beau voyage.
Un beau voyage jusqu’au Théâtre de Poche, îlot
culturel dans son océan de verdure, oasis chaleureuse dans la précipitation
ambiante, pour souffler ensemble sur les idées formatées. Une guirlande
lumineuse, une cheminée centrale, de confortables banquettes, aurait-on opté
pour une formule all inclusive avec
option ultra cosy ?
Un beau voyage dans l’espace et le temps, guidé par
six conteurs qui incarnent tour à tour des milliers de voix. Celles d’aventureux
utopistes, de baroudeurs débrouillards, d’âmes errantes, de déracinés. Car le
périple est si long, les attentes si folles, et il n’y a que si peu d’élus à
l’arrivée, qu’il faut prendre le risque de se perdre définitivement. Mais qui
fixe les règles de cet immense jeu des sociétés, et surtout comment, sur quels
critères ? Qui tourne la roue de l’infortune pour ces millions
d’exilés ?
Difficile aujourd’hui d’imaginer diverses divinités se jeter
les dés de notre destin entre deux décisions diplomatiques… Si Poséidon n’est
en rien responsable des tempêtes qui s’abattent en mer, ce n’est pas non plus
Leucothée qui pourrait sauver toutes ces malheureuses embarcations du naufrage.
Gustave Akakpo nous ramène alors à la maison, sur notre canapé, les yeux rivés
sur l’écran, pour admirer la quête de ces héros modernes par le prisme du
téléviseur tout puissant. Et en effet, aujourd’hui, nous ne sommes plus
dupes : qui seule est capable de transformer le tragique destin d’illustres
inconnus et d’en faire d’un coup de baguette magique les mentors de toute une
génération ? La déesse cathodique !
Grâce à la mise en scène remuante de Michel
Burstin, les mélodies planantes de Max Vandervorst, et le talent des comédiens
narrateurs, impossible de ne pas se laisser embarquer dans ces Odyssées multiples et trépidantes. Tour
à tour littéraires, populaires, chantées, déclamées, injurieuses, grondantes,
les voix qui se croisent sous la plume d’Akakpo pourraient toutes être les
nôtres, voguant entre les bureaux des services de l’immigration ou scandant ces
lois ultra-protectrices qui nous servent de parapluie. S’il peut être compliqué de suivre le fil du parcours de chaque personnage dans la traversée, c'est sûrement car les
individualismes devaient de toute manière être aplatis sous le poids des procédures,
gommés par la peur de ne pas réussir son intégration, de ne plus avoir de
maison. Est-ce pourtant vraiment l’objectif : rester chez soi ? « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage […] Et
puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de
son âge ! » nous explique Du Bellay. Depuis le XVIème siècle, pas grand chose n'a changé, et les vaches sont bien gardées!
Odyssées, de Gustave Akakpo, du 18 septembre au 13 octobre
2012 à 20h30 (relâche le dimanche et le lundi). Réservations : www.poche.be
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